Alice Devaud, cheffe de projet R&D chez Cofigeo, brise les clichés de l’industrie agroalimentaire : “Il nous reste beaucoup à expliquer au public sur ce que l’on fait”

Cheffe de projet recherche et développement dans l’industrie agroalimentaire, ce n’est pas forcément un titre de poste très explicite. Pourtant, le métier d’Alice Devaud, qui exerce chez Cofigeo depuis six ans, est on ne peut plus concret. Il se peut même que vous en ayez dégusté le résultat dans votre assiette. Interview avec une formulatrice de recettes maniant chimie et saveurs à la perfection. 

Vous êtes cheffe de projet recherche et développement chez Cofigeo. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? 

 

Alice Devaud : Il s’agit du développement et de la formulation des recettes. C’est ça, le cœur du métier. On peut être amené à réaliser cette mission dans différents cadres : de l’innovation pour de nouvelles recettes et de nouveaux concepts, ou même dans un cadre d’optimisation de recettes existantes en termes de valeurs nutritionnelles et de naturalité, par exemple. 

 

 

Depuis six ans, je travaille à la fois pour des produits que l’on vend sous nos marques nationales, telles que Zapetti, William Saurin ou Garbit, par exemple, mais aussi pour des marques distributeurs. Je ne suis pas la seule : nous sommes six chefs de projet en tout, chacun ayant son portefeuille de développements.

 

 

Y-a-t-il une innovation ou un produit dont vous êtes particulièrement fière ?

 

A. D. : Une cheffe de projet chez nous a par exemple travaillé sur une innovation de taille : au début du mois d’octobre 2024, William Saurin a lancé une gamme de barquettes micro-ondables sous le nom de Mon trio gourmand. C’est un concept gourmand qui comprend trois compartiments. 

 

C’est une innovation tant au niveau de l’emballage que des recettes. Pour cette innovation, le développement s’est fait en binôme : une personne travaillait sur le développement de l’emballage et une personne sur la partie recette.

 

“Concevoir des recettes, c’est un travail d’optimisation permanent ”

Pour élaborer des recettes, que devez-vous prendre en compte ? Devez-vous les goûter ?

 

A. D. : Oui, bien sûr, on finit par les goûter ! (rires). Mais d’abord, on reçoit un brief du service marketing qui établit un cadre concernant la recette ainsi que des exigences en termes de Nutri-Score, par exemple. C’est ensuite à nous de formuler les recettes, de sourcer de nouvelles matières premières si nécessaire. On reste donc constamment en veille sur tout ce qui est ingrédients, via des salons ou des rencontres avec les fournisseurs. 

 

Ensuite, la première formulation de la recette est toujours un peu théorique. Grâce à notre expérience et à nos connaissances, on sait comment faire les dosages. Si ce sont des recettes que l’on ne connaît pas, on réalise des recherches pour savoir comment les composer.

 

Une fois cette version théorique réalisée, les techniciens la mettent en œuvre au laboratoire, comme des cuisiniers, en fabriquant une sauce, en préparant les légumes, et en mélangeant les ingrédients. Nous dégustons ensuite les échantillons pour réajuster si nécessaire. Il y a un échange permanent avec le marketing pour arriver à une recette qui satisfasse tout le monde. 

 

Le produit est ensuite lancé au niveau industriel, après divers processus qualité. Nous ne sommes pas directement au cœur du métier industriel, mais nous sommes en support pour vérifier que tout se passe bien et pour ajuster les recettes ou les process si besoin

 

Concevoir des recettes, c’est un travail d’optimisation permanent.

“Dans l’agroalimentaire, on travaille avec le vivant. Ce n’est pas comme produire des boulons !”

Votre secteur souffre-t-il de certains clichés ?


A. D. : Concernant le secteur de la boîte de conserve, il y a ce cliché qu’elles sont bourrées de conservateurs alors que c’est l’inverse : la conserve subit un traitement thermique qui permet de ne pas utiliser de conservateurs. C’est le principe même de l’appertisation, développé par Nicolas Appert ! 

 

Toujours sur la conserve, les personnes que je rencontre pensent souvent qu’on met juste les ingrédients dans une boîte de conserve et que voilà, c’est fait ! En fait, au global, je trouve qu’il y a une grande méconnaissance du milieu agroalimentaire et de tout le travail fourni derrière. Il nous reste beaucoup à expliquer au public sur ce que l’on fait.

 

Avec l'autorisation d'Alice Devaud

Quels sont les défis que vous rencontrez pour réaliser des recettes industrialisables ?

 

A. D. : Nous rencontrons souvent des contraintes, imposées par le brief par exemple, ou par les aspects industriels, qui font que la formulation ne fonctionne pas comme prévu, ou que certains ingrédients ne conviennent pas.

 

Il y a également certaines contraintes externes indépendantes de notre volonté. Au début de ma carrière, je ne réalisais pas forcément à quel point cela pouvait avoir un impact sur mon activité. Par exemple, le contexte géo-politique – comme avec la crise en Ukraine – a pu provoquer des pénuries de matières premières.

 

Il y a aussi le contexte agricole : d’une année à l’autre, selon la météo, les récoltes peuvent être différentes – en taille, couleur, qualité -, ce qui peut avoir un impact. Nous, nous avons toujours un standard à respecter et l’on doit s’en rapprocher au maximum. Dans l’agroalimentaire, on travaille avec le vivant, ce n’est pas comme produire des boulons !  

“Chaque promotion passe aussi un CAP cuisine”

Vous vous destiniez à la recherche et développement ?

 

 

A. D. : En fait, pas vraiment. En terminale, je voulais être pharmacienne, mais en participant aux salons étudiants, j’ai découvert beaucoup d’autres métiers qui m’intéressaient. En avançant dans mes choix, je suis entrée en première année de licence de biologie pour me donner un peu de temps pour réfléchir. J’ai continué à faire des portes ouvertes et j’ai découvert le master arômes-parfums de l’ICAP de Montpellier. J’étais attirée par les arômes alimentaires et, comme on m’a conseillé d’avoir un cursus en chimie pour ce master, j’ai ensuite bifurqué vers une licence de chimie. 

 

Ce master propose un cursus très complet autour des arômes aussi bien dans la formulation, leur application que dans les analyses chimiques, l’analyse sensorielle, etc. Je me suis rendu compte que ce qui me plaisait le plus, c’était l’application des arômes, car selon la matrice alimentaire – gras, salé, etc. – les arômes réagissent différemment. Je me suis donc renseignée sur le secteur agroalimentaire et ai eu la chance de faire un stage en analyse sensorielle chez Lindt. J’ai pu y appliquer les compétences acquises en master et découvrir le monde de l’agroalimentaire. 

 

J’ai alors cherché à me spécialiser davantage dans la branche agroalimentaire plutôt que dans la branche chimie pour laquelle j’étais formée. J’ai donc fait une année supplémentaire : j’ai fait un un mastère spécialisé IPCI – ingénierie des produits à l’interface cuisine-industrie – à AgroParisTech, avec des cours à l’école Ferrandi pour développer nos connaissances culinaires. Pendant ce mastère spécialisé, en règle générale, chaque promotion passe aussi un CAP cuisine, même si je ne l’utilise pas de manière officielle. Je ne suis pas cheffe cuisinière mais ça m’a tout de même permis d’avoir les bases de la cuisine, qui sont quand même le cœur du développement des recettes et du métier de Cofigéo : nous sommes des cuisiniers.

 

Ce mastère, réalisé en alternance chez Cofigeo, m’a permis d’acquérir une expérience concrète et de rester dans l’entreprise.

“Il y a énormément de rigueur scientifique. (...) Mais la créativité est également essentielle”

Quelles sont les qualités requises, à votre avis, pour exercer votre poste ?

 

 

A. D. : Je dirais qu’il y a énormément de rigueur scientifique dans les tâches du quotidien, principalement lors de l’élaboration des essais de nouveaux ingrédients pour bien établir leur fonctionnalité. La rigueur concerne aussi le respect de toutes les règles qui permettent de garantir la sécurité sanitaire du produit, par exemple.

 

Mais en R&D, la créativité est également essentielle. Lorsqu’on part de zéro, on fait souvent des brainstormings avec le marketing pour créer des concepts nouveaux. 

 

Les étudiants que je rencontre sur My Job Glasses me demandent souvent quelles qualités sont nécessaires : je leur parle d’adaptabilité. C’est peu abordé dans le monde scolaire et universitaire, mais c’est crucial dans le monde de l’entreprise, notamment dans mon métier. 

“J’apporte beaucoup à mon moi d’avant.
J’aurais adoré à l’époque pouvoir rencontrer des gens
avec des parcours atypiques !”

Justement : vous avez déjà réalisé pas moins de 17 rencontres en seulement 9 mois sur My Job Glasses. Pourquoi effectuer ce type de rencontres professionnelles ?

 

A. D. : Je pense que je suis quelqu’un d’altruiste. Je ressens le besoin d’aider les autres. Parce que quand j’ai commencé à réfléchir à ma reconversion dans l’agroalimentaire, on me disait régulièrement qu’il n’y avait que les écoles d’ingénieurs qui permettaient d’emprunter cette voie, ce qui impliquait que je refasse cinq ans d’études. Mais en cherchant un peu, j’ai trouvé ce mastère spécialisé qui m’a ouvert cette voie. Moi, je suis entrée dans le secteur « par la fenêtre » et non par la porte principale (rires). 

 

Je dirais donc que j’apporte aussi beaucoup à mon “moi” d’avant. J’aurais adoré à l’époque pouvoir rencontrer des gens avec des parcours atypiques !

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